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Introduction

1. Origine du terme wolof

La question des origines du wolof et de ses liens potentiels avec l'Égypte antique s'inscrit dans un débat scientifique et historique marqué par les travaux pionniers de Cheikh Anta Diop. Ce dernier, intellectuel sénégalais, a développé une théorie établissant des connexions linguistiques et culturelles entre l'Égypte pharaonique et les civilisations d'Afrique de l'Ouest. Diop affirmait que l'Égypte antique était peuplée d'Africains noirs et que la langue et la culture égyptiennes se sont ensuite diffusées en Afrique occidentale.

Cette théorie s'appuie notamment sur des recherches linguistiques comparatives entre le wolof et l'égyptien pharaonique, détaillées dans un chapitre de son ouvrage "Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des langues négro-africaines". Cheikh Anta Diop, utilisait le mot waa-laf dans ses recherches sur l'origine des Wolofs, qui selon lui est l’ancêtre du mot wolof et est un terme qui révèle une dimension historique et géographique profondément ancrée dans l'identité de ce peuple ouest-africain. En effet, en wolof:

Cette désignation renvoie probablement aux rives du Nil, selon les hypothèses développées par Cheikh Anta Diop, qui situait l'origine des Wolofs dans la vallée du fleuve Nil. Le mot waa-laf aurait évolué phonétiquement pour devenir wolof, désignant à la fois le peuple et sa langue.

  1. Le préfixe waa- est la forme plurielle de saa-. Ces préfixes servent à désigner les personnes originaires d'une localité.

    • Exemple:
    • saa-cees b-: le thiesois (c en wolof se lit ”thi” voir alphabet wolof) waa-cees: les thiesois
    • saa-senegaal b-: le sénégalais waa-senegaal: Sénégalais
  2. laf, verbe : signifie littéralement poser contre, mettre de côté ou préserver. Justement le terme lafal dans la phrase populaire "Yal na ko Yàlla lafal loolu" (Que Dieu le préserve de cela) est dérivé de laf.

    • Lafu = laf + u, verbe: signifie se mettre de côté, se placer latéralement.
    • Laf b-, nom = extrémité, bout (pan de vêtement) selon le contexte.
    • Il existe une variation de ce mot qui est lef w- qui signifie couloir ou côté en français.

      On peut ainsi comprendre que laf pourrait bien désigner l'autre côté (du rive) car c'est un endroit qui est séparé, mis à l'écart du lieu où l'on se trouve.

2. Le problème du Wolof

Le wolof est une langue largement parlée au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie, étant la langue maternelle du peuple Wolof. Elle dépasse le statut de dialecte1 et a le statut de langue nationale. Compris par environ 90% de la population sénégalaise, le Wolof sert de langue de communication interethnique et de support pour les bulletins d'information oraux. Grâce à la numérisation, le wolof pourrait également faciliter les processus administratifs via des voicebots ou des chatbots.

Outre sa fonction de langue interethnique et de véhicule d'information, le wolof possède une tradition séculaire dans l’enseignement des sciences religieuses islamiques, illustrant ainsi sa profonde richesse culturelle et linguistique. Malheureusement, cette richesse n’est acquise que par les érudits islamiques et les personnes qui vivent dans certaines régions du pays. Les natifs ou les sénégalais parlent la langue sans pour autant connaître son alphabet car en effet l’apprentissage de cette langue ne se fait qu’oralement depuis le bas âge et elle n’est jamais enseignée et ceci induit une dégradation de la langue de plus en plus déconcertante. Le wolof est ainsi sur une voie d’appauvrissement car en effet, son vocabulaire profond est inaccessible à défaut d’écriture. Aujourd'hui, la langue bénéficie de multiples efforts de valorisation et de préservation. La section suivante offre un aperçu captivant de l'évolution de l'écriture en wolof et met en lumière quelques initiatives innovantes pour la promouvoir.

3. Histoire et évolution du Wolof

Autour de la langue, il y a deux mondes ayant conduit à deux alphabets de la langue:

  • Nous avons l’alphabet Ajami3, issu de la culture islamique du pays4. L'Ajami est un ensemble d'alphabets dérivés de l'alphabet arabe, utilisé pour transcrire les langues d'Afrique de l'Ouest. Plutôt que d'introduire de nouvelles lettres, des modifications sont généralement apportées en ajoutant des points ou des lignes aux lettres existantes pour représenter des sons absents dans l'arabe standard. Ces alphabets ont été et sont encore utilisés pour la transcription des langues de la sous-région : le haoussa, le peul, le wolof, le diola, le bambara et d'autres langues mandingues. La version de l'Ajami pour le wolof est appelée le Wolofal.

À propos du wolofal

Le wolofal est surtout utilisé par ceux qui ont fréquenté les écoles coraniques, notamment dans le commerce. Il existe peut-être des livres en wolof écrits en ajami, mais je n'en connais pas.

Image

L’alphabet Ajami wolof (source: video )

  • Cependant, l'écriture profane en wolof s'est principalement développée à l'époque contemporaine grâce à l'utilisation des caractères latins. L'histoire de l'écriture du wolof avec les caractères latins semble être mieux documentée et datée dans le temps. Bien que ces derniers n'aient été adoptés que récemment (1975 selon ellaf), des ouvrages ont déjà été écrits sur le wolof bien avant la codification officielle. On peut citer le premier dictionnaire français-wolof publié par Jean Dard en 1825, ou dictionnaire français-wolof et wolof-français, de Jean Dard, Baron Roger et du l'abbé Lambert 1855 5. Il y a aussi la grammaire du gouverneur Jacques-François Roger, parue en 1859, qui visait à saisir la logique profonde de cette langue, ainsi que le lexique français de Louis Léon Faidherbe6, composé d'environ 1 500 mots en 1864, avec leur traduction en wolof. Après la colonisation française, de grands programmes d'alphabétisation en langues nationales ont été mis en place à la suite du Congrès de Téhéran de 1965 et du Congrès de Bamako de 1966 (voir le rapport du congrès) pour l'harmonisation des graphies des langues africaines7.

À propos de l'officialisation de l'alphabet latin

L'orthographe latine du wolof a été fixée par décrets gouvernementaux8 entre 1971 et 1985 (1975 d'après ellaf). L’image suivante montre l’alphabet wolof à base de caractères latins.

Image 2

L’alphabet wolof latin (source: video )

4. Le Wolof à l'ère moderne

Malgré les démarches timides d'adoption de l'écriture latine, de nombreuses œuvres produites récemment ont recours aux caractères latins. Des romans comme "Aawo bi" de Mame Younousse Dieng, qui est la première romancière à écrire en wolof 2, dont la première édition a été publiée en 1992 et la deuxième en 1999, ainsi que d'autres œuvres telles que "Séy xare la" de Ndèye Daba Niane et "Liggéeyu ndey añub doom" de Mame Ngoye Cissé ( selon journals.openedition ).

L'écriture basée sur les caractères latins a rapidement pris le pas, probablement en corrélation avec la domination de l'enseignement français. On peut noter l'apparition des dictionnaires français-wolof :

Le vrai wolof existe toujours !!!

Malgré l'absence de son propre système d'écriture, une grande partie de la richesse de langue est toujours vivante dans les régions rurales, bénéficiant largement de l'enseignement des sciences religieuses telles que la langue arabe littéraire (grammaire, conjugaison), la jurisprudence islamique, la logique, l’éloquence (Balagha), la Sira etc, transmises par voie orale en wolof académique de traduction rigoureuse de l’arabe littéraire. Ceci a contribué à enrichir et à perpétuer le wolof littéraire/classique.

Parallèlement, l'utilisation répandue de l'écriture latine a contribué à démocratiser cette richesse à travers les livres et les dictionnaires. La préservation de cette richesse nécessite clairement la fusion harmonieuse des deux mondes.

La démocratisation de l’écriture latine est allée très loin. Il existe aujourd'hui plusieurs sites de presse écrite qui publient régulièrement en wolof, tels que : wolof-online , defu-waxu et Saabal.net (2) . En parlant du wolof, nous ne pouvons pas omettre les publications régulières de "Viatiques" (Yóbbal (1)) du Pr. Massamba Gueye en mode bilingue wolof-français sur LinkedIn.

  1. Le terme yóbbal b-: nom vient étymologiquement de yóbbu, verbe qui signifie emporter. Yóbbal b- signifie provisions de route donc viatique.
  2. Saabal, verbe: raconter, faire un compte rendu
    • Saabal b-, nom: communiqué
    • Saabalkat b- : journaliste

Pour l'écriture wolof, le clavier Wolof est également disponible via l'application Gboard (pour Android) et Microsoft SwiftKey AI Keyboard (Pour Apple). Le 27 Juin 2024, Google a ajouté l’option Wolof dans Google Traduction. Enfin, je conclue cette introduction en soulignant le travail considérable de WAX (Wolof ak Xamle), créé en 2018, et ayant pour mission de démocratiser la langue wolof. J'ai appris la langue et l'écriture formelle du wolof grâce à cet organisme.

Avant de commencer, je vous invite à ne pas sous-estimer cette langue en raison de l'absence initiale de son propre système d'écriture, et à ne pas la juger pauvre. Cette perception est une conséquence de la colonisation et d'une méconnaissance de la langue. En réalité, le wolof est très riche, tant par son histoire liée à l'Égypte antique que par son vocabulaire abondant. Dans ce chapitre, j'aborde l'alphabet et les règles d'écriture du wolof, tout en illustrant la richesse de cette langue. Je me suis grandement inspiré de la pédagogie de WAX (Wolof ak Xamle), et de certains dictionnaires précités, en apportant quelques adaptations et réorganisations. Contrairement à WAX, j’enseigne ici le wolof en français.

Quote

Mes yeux viennent à peine de s’ouvrir à la richesse de cette langue mais j’espère que ce document vous aidera à la percevoir également. Plus de tergiversations, passons maintenant à l'apprentissage !!


  1. Cheikh Anta Diop refusait que les langues africaines soient appelées dialectes, mot qui a une connotation dépréciative. Il pensait qu’on pouvait étudier et écrire dans ces langues, qu’on pouvait même enseigner les mathématiques, la physique, la chimie dans ces langues. 

  2. http://ellaf.huma-num.fr/aawo-bi-la-premiere-epouse/ 

  3. Le terme Ajami désigne des alphabets dérivés de l’arabe, utilisés pour écrire des langues africaines comme le wolof, le haoussa, le peul, le bambara ou le swahili. Le terme signifie littéralement « non arabe » ou « étranger » désignant une personne qui ne parle pas arabe ou un "barbare" dans le sens classique.. 

  4. L'islam est présent au Sénégal depuis le 9ième siècle au Sénégal ou 11ème selon certaines sources 

  5. En préface, il est écrit que le dictionnaire avait pour but de faciliter l’accès à la langue pour les missionnaires. 

  6. Ancien gouverneur du Sénégal de 1854-61 et de 1863-65 (lien

  7. https://journals.openedition.org/africanistes/3584?lang=en#tocto2n4 

  8. https://polyglotclub.com/wiki/Language/Wolof/Pronunciation/Alphabet-and-Pronunciation#Consonants